Veuillez excuser l’utilisation de cette onomatopée tout droit tirée d’une bande dessinée, mais, à l’heure où la paysannerie montre les dents, cela me paraissait adapté…
Dans les siècles passés, on a connu la Grande Jacquerie, les Beaux n… (euh ! non ! pardon, ça, c’est typiquement « Flandre 40ème » et très paisible) les Bonnets rouges et les Chemises vertes bretons, les Nu-pieds normands ; dorénavant, les Bonnets jaunes… alors que, outre-Manche, la révolte des paysans (au XIVe) a marqué les esprits tandis que nos voisins germains ont connu la Guerre des Paysans (au XVIe) ou que la Catalogne se remémore le soulèvement paysan (au XVIIe) …
Qui de mieux placé qu’un agriculteur (fermier ? paysan ? éleveur ? exploitant agricole ? …) fraîchement retraité pour aborder le sujet ? Eh bien… disons Hervé qui, précisément, se trouve dans cette situation et est notre « cuiller de bois » (comprenez par là qu’il est le plus récent intronisé et non qu’il a perdu tous ses matchs au Tournoi des Six Nations).
Hervé a une grande expérience du monde agricole puisque, outre son labeur quotidien, il a œuvré au sein de nombreux organismes et coopératives agricoles.
Comme nous sommes en pleine actualité et pour situer le problème, il évoque d’emblée les engagements pris par le gouvernement, ajoutant que le monde agricole attend, avec impatience, leur concrétisation.
Pragmatique et, là aussi, pour donner un cadre à son propos, il nous résume sa carrière.
Pendant une dizaine d’années, il exploite un domaine d’élevage, essentiellement tourné vers la production laitière jusqu’à ce que l’Europe décide, en 1985, de la fin des quotas laitiers qui garantissaient une stabilisation des prix.
L’année suivante, il reprend l’exploitation familiale plus tournée vers les productions végétales (notamment la culture de betteravière et les céréales).
L’occasion d’évoquer la filière, son évolution et les difficultés actuellement rencontrées.
L’année 2017 marque la fin des quotas sucriers. D’autres nations continuant à être subventionnées, la production augmente fortement, la durée de la campagne betteravière se prolonge.
Un lien pour savoir où sont situées les principales sucreries et les chiffres clés de l'industrie française du sucre de betterave :
https://www.cultures-sucre.com/plantes-et-production/la-filiere-sucre-en-france/
https://www.snfs.fr/site/index.php?option=com_content&view=article&id=7&Itemid=115
Il évoque les évolutions techniques ou « chimiques » qui ont marqué ces années et leur remise en cause au fil du temps…
En culture, la qualité et le rendement dépendent essentiellement de l’optimisation : apport d’azote, dosage des engrais, rationalisation, assolement (procédé de cultures en alternance sur un même terrain pour conserver la fertilité du sol) …
La ferme France : quésaco ?
Pour répondre à cette question, ouvrez ce lien, vous y trouverez une répartition du monde agricole français
https://agriculture.gouv.fr/infographie-la-ferme-france
Hervé en tire quelques chiffres : la surface moyenne d’une exploitation est de 60 ha ; la France représente 18% des surfaces agricoles de l’Europe ; elle est le premier producteur européen de viandes et de légumes (de conserves) et le principal exportateur de vins, semences et pommes de terre… ; pour évoquer la diversité, souvenons-nous qu’on ne compte pas moins de 1200 sortes de fromages ! (N.D.L.R. : n’oublions pas qu’on attribue cette célèbre phrase à Charles de Gaulle (1962) : "On ne peut pas gouverner un pays qui offre 246 variétés de fromages." ni que, pendant l'occupation allemande, Winston Churchill aurait déclaré : "Un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir."… si on en est à 1200, j’en connais un qui a du mouron à se faire !). Quand on gagne du blé, est-ce que tous nos rêves céréalisent ? (N.D.L.R. : trouvé sur internet)
Hervé nous explique la différence entre blé dur richesse en protéines végétales (utilisé pour faire de la semoule, des grains, des pâtes dites « sèches », etc.) et le blé tendre ou froment riche en gluten (dont on tire les farines destinées à la panification, la pâtisserie, la viennoiserie, etc.).
Un petit lien pour vous faire une idée des productions agricoles du Nord Pas de Calais :
https://chambres-agriculture.fr/informations-economiques/lagriculture-en-regions/hauts-de-france/
Et un autre pour présenter le palmarès des produits agricoles et agroalimentaires français :
https://agriculture.gouv.fr/infographie-palmares-des-produits-agricoles-et-agroalimentaires-francais Autant vous le dire : nombreux sont les présidents qui aspirent à une telle attention lors de leurs interventions…
Au niveau de l’élevage, on note plusieurs phénomènes : la concurrence étrangère, la baisse de la consommation (ah ! les steaks ou nuggets vegans ! ...), la baisse des cours de la viande. En France, l’élevage, c’est un cheptel de 238 000 animaux dont 161 000 bovins. On considère actuellement que l’élevage est trop morcelé. Les concentrations, type « ferme des 1000 vaches » ne manquent pas de provoquer des réactions très hostiles bien que certains y voient une évolution logique. Qui a raison, qui a tort ?
Hervé n’esquive pas les sujets, évoquant l’agriculture bio (une désillusion ?) ou la réintroduction des loups et ours sur le territoire (une utilité ?).
L’agriculture française est celle qui bénéficie le plus des subventions européennes avec 9 000 000 000 €.
Pour en revenir aux revendications actuelles et aux espérances du monde agricole, la Commission européenne impose trop de contraintes. La suggestion de hausse de la taxe du gazole non routier (GNR) a été un élément déclencheur des manifestations. La suppression annoncée de certains traitements phytosanitaires alors que les maladies des plantes et les ravageurs sont en forte augmentation partout dans le monde et que, dans l’ensemble, leur usage est de plus en plus raisonné, induit une question : quelles substitutions envisage-t-on ? La profession s’insurge contre la loi Egalim III qui, pour mémoire, entend mieux protéger les industriels dans leurs relations commerciales avec la grande distribution, mais qui ne tient à aucun moment compte des producteurs… La crise en Ukraine a provoqué la suppression de taxes et l’absorption de leur production, entraînant une chute des cours. Lors des successions, se pose le problème des plus-values et compensation à verser à l’entourage. Hervé nous rappelle que les retraites sont, dans l’ensemble, dérisoires.
L’accumulation des problèmes et l’absence de réponses appropriées ont fait déborder le silo !
Pourtant, l’agriculture et l’élevage sont essentiels pour nous tous et pour la France.
Hervé qui a captivé son auditoire répond à de nombreuses questions et évoque quelques pistes. Le regard sur nos agriculteurs a changé : à force de les montrer du doigt et de les présenter comme des pollueurs, ils sont, à l’occasion, agressés (alors qu’on a constaté, paradoxalement, que leur capital sympathie était intact). La méthanisation nécessite un investissement lourd : une majorité de personnes trouve que c’est une bonne solution, surtout si l’installation se fait dans le village voisin… Le bio, avec ses coûts de production importants, bat de l’aile et doit faire face à des normes draconiennes alors qu’elles n’existent pas chez des producteurs voisins (comme dirait Marie-Chantâââl qui en connaît un rayon : « Il y a bio et bio… »). Une spécialisation, par région, pourrait être une piste intéressante avec de grandes exploitations plutôt plein de petites, peu viables.
Hervé nous présente succinctement les différents et principaux organismes défendant la profession ainsi que leurs orientations : la FNSEA, la Coordination rurale et la Confédération paysanne.
On note que, face aux décisions des technocrates, tous les pays d’Europe ont connu des manifestations et des tensions palpables.
Hervé conclut par les défis auxquels le monde agricole est confronté : le changement climatique, la dégradation des sols, la rareté de l’eau, la pression démographique, la nécessité de garantir une alimentation saine et durable pour une population en forte croissance, etc.
Crédit texte : merci aux documents du PowerPoint d’Hervé et merci au CR de réunion de Stéphane dont j’ai reproduit, sans vergogne, certains passages…
Ce vieux dessin, retrouvé dans mes arch'Yves a servi, il y a quelques années, à illustrer un article de la revue "L'orthophoniste" à propos de l'illettrisme