Lorsque j'étais jeune (merci de vous abstenir, bien sûr, de tout commentaire), pour les besoins du patronage ou des colonies de vacances, je m'étais initié aux inclusions dans de la résine polyester en y enfermant un dé (à jouer), une mouche (bêtement) trépassée, une feuille (d'arbre), un caillou (mésolithique), un coquillage (saxatile), une plume (d'oiseau ou "Sergent-Major"), une nouille (pas moi ! la comestible…) et autres menus objets (de pacotille).
L'inclusion dont il est question ici fait référence à la "Convention relative aux droits des personnes handicapées" adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 2006. Dans son article 19, intitulé "Autonomie de vie et inclusion dans la société", cette convention stipule : "Les États signataires de la présente convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que :
a) Les personnes handicapées aient la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui
elles vont vivre et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier ;
b) Les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation ;
c) Les services et équipements sociaux destinés à la population générale soient mis à la disposition des personnes handicapées, sur la
base de l’égalité avec les autres, et soient adaptés à leurs besoins."
C'est sans doute dans cet état d'esprit qu'Hervé Knecht a créé, en 1991, Flandres Atelier (devenu depuis AlterEos*), une entreprise au service d'un emploi durable de personnes fragilisées par un handicap. Belle initiative puisque, aujourd'hui, cette société s'est diversifiée et emploie 450 personnes, dont 80% de "personnes fragilisées par un handicap" (précision : le fondateur a opté pour cette formulation au détriment de "personnes handicapées").
AlterEos est installée sur le site (8000m²) d'une ancienne usine textile - Vue, d'un côté, sur l'assistance, de l'autre, le réfectoire...
Pour cette sortie de club, nous sommes reçus dans les locaux d'AlterEos par Béatrice Régnier, présidente du directoire et Domitille Oosthuyse, DRH. D'autres collaboratrices et collaborateurs nous accompagneront au cours de cette visite.
Nos deux intervenantes nous retracent l'histoire de la société, en insistant bien sur le mot "société". L'établissement n'est pas un ESAT, mais une véritable entreprise soumise, comme les autres, aux enjeux économiques. Elle est constituée sous forme de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) n'ayant donc pas d'actionnaires et réinvestissant les bénéfices dans l'entreprise.
Nous en apprendrons beaucoup sur les notions d'adaptation et d'insertion ; sur les valeurs véhiculées par cette affaire ; sur la place des personnes porteuses de handicap dans la société ; sur les buts : payer la personne pour son travail, mais aussi lui fournir une autonomie, la possibilité de se former, d'évoluer dans l'entreprise, de postuler -dans le temps- à un autre emploi.
Bien sûr, il faut accompagner, conseiller, adapter les postes et les horaires à la nature du problème (AlterEos emploie des personnes porteuses de tous types de handicap). Cela suppose une équipe d'encadrement motivée et à l'écoute.
Lors de notre visite des différents pôles, à titre personnel, je suis frappé par les sourires, les regards bienveillants vis à vis des intrus que nous sommes, les échanges de "bonjour", la concentration. Il faut également respecter l'attitude visiblement introvertie des personnes qui ont plus de mal à communiquer.
L'un des scanners à haute cadence professionnelle - Vues sur des ateliers (nous nous devons de respecter la confidentialité des employés)
AlterEos -et ses filiales Inser'tel et Ettique- se présente comme un "prestataire de services sur mesure adapté aux entreprises et aux personnes". Ces prestations se répartissent en 5 pôles : dématérialisation & indexation, centre de relations clients, éditique, formation, industrie qui proposent, en vrac : la gestion d'appels sortants (télémarketing, enquête) et la gestion d'appels entrants (hotline, SAV), la numérisation, la gestion électronique des documents), la saisie informatique, le conditionnement, le colisage, le contrôle qualité, l'étiquetage, le codage, les badges, l'assemblage d'articles et sous-ensembles kitting, Etiquetage, collage, pliage, Mise sous film, Gestion de vente par correspondance et e-commerce, Stockage et préparation de commande, Mise sous pli, le mailing, le routage, les textiles divers, les tri et destruction de documents, la gestion des déchets textiles, le démantèlement ou recyclage d'autres déchets, etc.
Si vous souhaitez en savoir plus, consultez le site d'AlterEos : https://www.altereos.fr/
Laissons la parole finale au créateur, Hervé Knecht (qui a "passé la main" en 2013) : « La fragilité n'est pas une tare, c'est une caractéristique de la nature humaine. L'intelligence des compétences, c'est indispensable. Mais, l’intelligence de la fragilité, c'est : développer l’intelligence de la coopération, de l’engagement, de la solidarité. C'est développer l'intelligence de l'autre ».
Pour en savoir un peu plus à propos d'Hervé Knecht : https://fondationdefrance.org/fr/cat-fondation-de-france-region-nord/herve-knecht-president-de-la-fondation-de-france-nord et https://noiretpatrimoine.com/parole-a-herve-knecht-fondateur-de-lentreprise-adaptee-altereos/
Le déjeuner, proposé sous forme de buffet préparé par l'ESAT voisin, est l'occasion de continuer à échanger avec l'encadrement d'AlterEos.
L'après-midi, changement total de sujet puisque Patrice, l'un des frères de notre président Christian, nous présente le Tribunal de Commerce de Lille où il siège. Auparavant, Patrick, celui que nous pratiquons régulièrement, nous resitue l'instance dans le cadre du fonctionnement de la justice en France. Je vous propose de découvrir un résumé simplifié de son propos en visionnant 3 vidéos qui vous éclairerons en quelques minutes : 1) https://www.youtube.com/watch?v=jqEsqJ73Ef8 (cette proposition date un peu et ne tient pas compte, semble-t-il de la fusion des Tribunaux de grande instance et Tribunaux d'instance en 2020 devenus le tribunal judiciaire) ; 2) https://www.youtube.com/watch?v=xdCWGQrW8N8 ; 3) https://www.youtube.com/watch?v=YJzSbo8tpzY
Le Tribunal de Commerce est composé de juges non professionnels, bénévoles. Ils viennent du monde des affaires et doivent être élus par leurs pairs pour une durée initiale de deux ans, renouvelable pour quatre mandats d'une durée de quatre ans chacun. Ils siègent à trois. Ces juges, dits "consulaires", tranchent les conflits entre commerçants, artisans, établissements de crédit ou sociétés de financement ou les litiges concernant les actes de commerce. Lors d'une cessation d'activité, ils peuvent proposer la mise en place d’une procédure pour trouver un accord avec les créanciers.
Outre l’analyse des dossiers ou la tenue des audiences et des délibérés, ils doivent assurer la rédaction des jugements.
C'est également au greffe du Tribunal de Commerce qu'on fait immatriculer sa société lors de sa création et qu'on effectue une déclaration de radiation lors de la cessation d'activité. C'est aussi auprès de cette instance qu'il faut déposer chaque année les comptes annuels de sa société.
Les greffiers des tribunaux de commerce sont, quant à eux, des officiers ministériels nommés par le ministre de la Justice, ils assistent les juges consulaires, authentifient les décisions rendues et assurent diverses missions comme la conservation des actes, la tenue du registre du commerce et des sociétés, etc.
Le tribunal de Lille Métropole en quelques chiffres : 65 juges consulaires répartis dans 6 chambres de procédures collectives et 5 chambres de contentieux; 321 entretiens en prévention ; 72 ouvertures de procédures amiables ; 1041 ouvertures de procédures collectives ; 8157 jugements rendus ; 356 ordonnances de référé (source : Conférence Générales des Juges Consulaires de France).
Merci aux cadres d'AlterEos de nous avoir accueillis, à Patrice et Patrick - reconnaissez qu'avec deux prénoms aussi proches, un blogueur débutant aurait pu se mélanger les pinceaux ; N.D.L.R. : ce qui fut mon cas initialement...- qui ont su nous intéresser (en pleine période postprandiale !)... et à Christian pour ces découvertes dont il a le secret.
* "Alter" pour Altérité (état, qualité de ce qui est autre, distinct) et "Éos" qui est la déesse de l’Aurore (symbole d’un deuxième départ pour des personnes ayant connu un accident de vie)
Crédit photos : Claude et Thomas